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Matera, village symbole de la misère italienne devenu capitale européenne de la Culture 2019

Connue pour ses paysages bibliques, la ville italienne de Matera est surnommée la «Jérusalem de l'Ouest».
FILIPPO MONTEFORTE/AFP

Au milieu du XXe siècle, la petite cité du sud de l'Italie était plongée dans la dépression économique. Elle a aujourd'hui retrouvé la dignité en sauvant ses grottes, ses palais baroques et ses églises rupestres.

«Nous sommes passés de la honte à la gloire», admet Raffaello De Ruggieri, le maire de Matera, ville de Basilicate que le premier ministre italien Alcide De Gasperi, l'un des pères fondateurs de l'Europe, avait qualifiée dans les années 1950 de «honte nationale» pour ses conditions de vie misérables. Ses habitants trouvaient alors refuge dans des grottes datant du paléolithique, sans lumière ni eau courante ou tout-à-l'égout. Un demi-siècle s'est écoulé et la ville ambitionne aujourd'hui de recevoir des centaines de milliers de visiteurs, attirés par la culture et le patrimoine, dans ces mêmes grottes, dont bon nombre ont été restaurées.

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« Mon grand-père de 90 ans était agriculteur et vivait dans les sassi. Mais jamais il n'aurait imaginé voir du wifi ou des jacuzzis dans ces grottes préhistoriques! »

Vito Cuscianna, taxi à Matera

«Nous voulons que la personne qui décide de venir à Matera vive une expérience», explique Paolo Verri, directeur de la Fondation Matera 2019, après avoir longtemps été responsable de la foire du livre de Turin. Surnommée la «Jérusalem de l'Ouest» pour ses maisons troglodytiques en pierre creusées à flanc de ravin (les «sassi»), Matera est considérée comme la troisième ville la plus ancienne du monde après Alep (Syrie) et Jéricho (Cisjordanie). Des vestiges «attestent de la présence de l'homme depuis 8000 ans», rappelle le maire. «C'est pourquoi nous voulons un tourisme «de la lenteur»», assure Paolo Verri, qui espère attirer des amateurs d'art et de culture plutôt que les visiteurs au pas de charge en une seule journée. Pour y parvenir, il a programmé près de 300 spectacles, ateliers, expositions, conférences, allant de la musique à la gastronomie en passant par des lectures en public. «Chacun doit apporter quelque chose, comme un livre, et expliquer pourquoi il veut améliorer la culture européenne», explique-t-il.

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Les «citoyens temporaires» de Matera devront payer 19 euros pour un passeport valable un an qui leur permettra d'assister à tous les événements. Ils sont aussi invités à s'inspirer des paysages bibliques et de l'atmosphère mystique pour écrire des textes, créer des objets, des sculptures, inventer des sons, des installations, qui deviendront à leur tour une exposition. «Un défi», reconnaît la Française Ariane Bieou, chargée du programme culturel de Matera 2019, après avoir œuvré pour venir à bout des clichés pesant sur Marseille, capitale de la Culture en 2013. «Le rôle d'une capitale européenne de la culture est de favoriser la croissance d'un territoire», a-t-elle expliqué. La tâche s'annonce ardue dans une ville sans aéroport ni trains à grande vitesse, aux voies d'accès sinueuses en bord de ravins. Cité au passé douloureux mais promise à un avenir plus radieux, Matera est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1993, ce qui a contribué accroître sa notoriété.

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Le cinéma a aussi fait appel à elle pour recréer le décor imaginaire de l'antiquité chrétienne dans L'Évangile selon Saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini ou dans La Passion du Christ, signé Mel Gibson. «Matera appelle l'Europe et l'Europe appelle Matera», résume Ariane Bieou. Une devise qui ne convainc pas Patrizia Capriotti, propriétaire d'une boutique d'objets et de vêtements, dont beaucoup sont réalisés dans un atelier qui recycle les déchets. «C'est un projet trop éloigné de la réalité. Je crains que nous ne devenions une sorte de Venise, envahie par le tourisme de masse, un modèle qui doit être stoppé», déclare-t-elle. La commerçante conteste le modèle touristique qui fait que «les gens vont vivre dans des quartiers populaires et transforment leurs maisons en pierre ou leurs grottes familiales en résidences de tourisme».

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La partie basse de Matera, où l'on peut visiter 150 églises rupestres, est de fait en pleine effervescence avec des ouvriers qui montent et descendent les marches pour réhabiliter des maisons transformées en «hôtels boutiques». Tout près de l'église médiévale Madonna de la Virtù, Vito Cuscianna offre aux touristes les services de sa Vespa-taxi. «Mon grand-père de 90 ans était agriculteur et vivait dans les sassi. Mais jamais il n'aurait imaginé voir du wifi ou des jacuzzis dans ces grottes préhistoriques!», s'amuse-t-il.

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7 commentaires
  • Papillon181024

    le

    "Je crains que nous ne devenions une sorte de Venise, envahie par le tourisme de masse, un modèle qui doit être stoppé», Pour rassurer cette habitante de Matera je lui dirai que sa ville de Matera ne risque pas de devenir" une sorte de Venise envahie par le tourisme de masse "car Venise est très facile d'accès par les airs,les chemins de fer et les routes ce qui n'est pas le cas de Matera quasi inaccessible sauf aux gens de la région ou si elle fait partie des sites au programme d'un périple touristique dans l'Italie du Sud,le temps d'une courte halte.

  • DensBarn

    le

    Bravo. C'est une région magnifique qui mérite cet honneur

  • Jacques PIN

    le

    Ceci dit, ce qu'il faut savoir, c'est si une grande majorité de ses habitants trouvent qu'ils vivent mieux après être devenue "capital de la culture Européenne", car ce genre de manifestation de prestige coûte cher, et si on met ce coût sur le dos des habitants, ils en seront les premières victimes ensuite, en s'appauvrissant encore. Souvenons-nous de la Grèce et des JO d'Athènes qui ont participé à la faillite du pays, dont il n'est encore pas sorti.

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